Du garde-chiourme au surveillant militaire du bagne colonial (1)

Posté par philippepoisson le 28 octobre 2008

 

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La création des bagnes portuaires, le personnel de surveillance reste celui des chiourmes (galériens enchaînés à leur banc). Il en a gardé les noms : comites, anciens maîtres d’équipage des galères, argousins, sous-argousins et pertuisaniers. Ils règnent sur la société des forçats et sont au centre de multiples trafics et combines. En 1820, le ministre de la Marine, soucieux d’ordre et désireux de rapprocher la condition des surveillants de celle des militaires, crée un nouveau corps d’encadrement.

La première réforme des bagnes s’applique à la surveillance. Ce qu’on appelle la « police des chiourmes » n’avait guère bougé depuis la fin du XVIe siècle… Les comites, les anciens maîtres d’équipage des galères avaient conservé au bagne leurs fonctions, leur influence et leurs bénéfices. Les forçats dépendaient de ces hommes habiles et rusés, qui distribuaient les emplois privilégiés, participaient  à divers trafics et surtout gagnaient de l’argent sur le dos des condamnés, même si on leur avait supprimé la fameuse « taverne », donc le droit de vendre du vin et de l’eau-de-vie dans les salles et surtout les pontons. Les sous-comites, argousins, sous-argousins et pertuisaniers obéissaient avant tout aux comites; ils arrondissaient leur maigre solde de la même manière que leurs supérieurs. Le règlement du 16 juin 1820 souhaite mettre fin à ces pratiques.

 « Cômes, argousins, étaient les noms qu’on donnait aux chefs de galères autrefois ; aujourd’hui on les a remplacés par ceux de sous-adjudants, chefs de salle, de défilés et premier adjudant-chef… L’adjudant-chef est chargé de la police générale du bagne, il a sous ses ordres tous les autres sous-adjudants auxquels il distribue leur service et transmet les ordres de M. le Commissaire de Marine, chef du service des chiourmes. Il préside aux punitions des condamnés, les conduit au bureau de l’administration pour y faire leurs réclamations, et est toujours présent à leur sortie comme à leur rentrée des travaux.[1] »

Toutefois la création d’un nouveau personnel de surveillance sape les fondements de l’ancien système, car « l’adjudant-chef des gardes n’hérite pas vraiment des attributions et des pouvoirs des comites. Il n’est plus que le premier sous-officier d’un corps dont le recrutement et l’avancement se trouvent désormais entièrement dans la main du commissaire du bagne.[2] »

Le contrôle des salles est assuré par des sous-adjudants qui effectuent également le service des ports, accompagnent les consignés aux travaux et veillent à la bonne marche du travail forcé. « Leur uniforme est le frac avec galons d’argent au col, chapeau à trois cornes et épée. » Les sergents de grille se tiennent au « tambour », entre les salles du bagne, ils sont chargés de la surveillance des salles, du ferrement et du déferrement des condamnés, de l’appel nominal, de la visite des fers, de la rentrée et de la sortie des forçats.

Ces sous-officiers ont fière allure avec leur sabre à poignée de cuivre doré, leurs demi-bottes et leur habit de drap bleu aux passepoils et retroussis garnis d’ancres et de fleurs de lys. Les adjudants se distinguent par des galons d’argent.

Les gardes-chiourmes ont droit à un long développement dans le manuscrit de Clémens[3]. Il y décrit les multiples aspects d’une fonction où se devinent les mœurs légères du bagne, les connivences entre surveillants et surveillés qui partagent les mêmes univers.

« Quand on parle de garde-chiourme, ailleurs que dans les ports de mer où il y a un bagne, on s’imagine voir un véritable Barbe-Bleue, ou un croque-mitaine ! Chacun se crée une de ces  figures rébarbatives telles que les geôliers de mélodrame en ont. Qu’on se détrompe, les gardes-chiourme ont des figures comme les autres ; ce sont des anciens militaires, la plupart qui viennent s’engager pour attendre leur retraite, il est vrai que dans la quantité, il en existe de jeunes; ces derniers trouvent plus d’avantages dans ce corps que dans l’armée; c’est ce qui les détermine à s’engager dans ces compagnies.

A Rochefort il y en a deux, d’environ soixante-dix hommes chacune, composées de caporaux, sergents et sergents-majors ou premier sergent de surveillance; elles sont commandées par un sous-adjudant, qui prend le titre de commandant des compagnies ; chacune d’elles a un tambour…Leur tenue est un bleu de Roi, les parements, collets et passe-poils bleus de ciel, shakos avec plaques et jugulaires blanches, pourpoint bleu et jaune, buffleteries noires, briquets et carabines.

Leur service est assez pénible, il consiste à conduire et garder les forçats sur les travaux. Ils montent également la garde la nuit dans les salles, et doivent exercer la plus grande surveillance surtout dans celles des suspects et doubles chaînes.

 Cependant leur surveillance est souvent mise en défaut, soit négligence, soit connivence, ce qui est arrivé quelque fois ; car il en est de même parmi les gardes que parmi les dernières classes du peuple ; il y en a beaucoup d’ivrognes et de mauvaise conduite ; ces derniers, quand ils n’ont pas de quoi satisfaire leurs penchants désordonnés, se laissent facilement affranchir par les condamnés qui exploitent toujours à leur profit les goûts dépravés de ces derniers.

On a vu des gardes chargés de la surveillance des condamnés leur procurer de la boisson et la partager avec eux ; d’autres fermer les yeux tandis que les forçats faisaient un trou pour s’échapper, parce que ces derniers lui avaient refilé dans la pogne une tune de cent ronds et même de vingt bales pour que le gafe ne dise niente. On en a vu même leur apporter des frusques pour s’évader. Ces cas n’arrivent pas toujours, car dans les agents de surveillance il y en a, et c’est le plus grand nombre, qui font bien leur service ; ceux qui y manquent sont punis très rigoureusement, cela est d’autant plus nécessaire que ces gardes sont entourés chaque jour de nouvelles séductions et sont naturellement comme identifiés avec le mal, l’ayant sans cesse devant les yeux.

Du reste les condamnés qui se comportent bien et qui sont honnêtes avec leurs gardiens ne sont pas en butte à leurs mauvais traitements, qu’ils ne peuvent exercer sous aucun prétexte. Si les condamnés leur manquent, ils doivent en faire leur rapport au commissaire du bagne, qui les fait punir selon la gravité du délit. »

Les gardes ou les hommes du rang possèdent également un uniforme bleu et sont coiffés d’un shako dont la plaque de fer blanc porte l’inscription « garde-chiourme. »

Le corps des surveillants possède même un détachement d’élite, qui n’intervient qu’en cas d’évasion et de révolte.

La solde des gardes est égale au salaire journalier d’un ouvrier débutant des arsenaux maritimes, plus une prime versée à l’engagement qui progresse sensiblement sous la Monarchie de Juillet.

Même si les conditions de vie et de rémunérations des gardes du bagne n’ont rien de reluisant, le principe d’une hiérarchie (avec l’espoir d’avancement régulier) et d’une organisation de type militaire (calquée sur celle de l’infanterie de marine) améliore la sûreté du bagne. On évoquera toujours, parce qu’elles font partie de la mémoire collective des maisons pénales, des histoires rocambolesques au sujet de gardes-chiourmes cacochymes et alcooliques ; mais les évasions réussies deviennent nettement plus rares sous la Restauration que sous le premier Empire. Pour exemple, le bagne de Toulon la proportion passe de 6% en 1800 à 1% en 1822 et même à moins de 1% en 1830.

Comme il est d’usage dans tout univers carcéral, une grande partie des tâches liées au fonctionnement du bagne est assuré par des forçats en cours de peine. On les nomme « officiers de galère ». « Comment, allez-vous me dire, dans les bagnes, il y a des officiers ? Entendons-nous, vous répondrais-je, ces officiers ne sont autres que des forçats qui par leur bonne conduite, leurs protections ou leur industrie savent se tirer de la fange des prisons et des galères. » Véritable aristocratie qui se divise en trois classes : les condamnés à la salle d’épreuve, les employés de l’intérieur et les protégés.

« Les premiers sont au nombre de cent, plus une dizaine d’aspirants, séparés des autres par quelques cloisons ou barrière en bois seulement : ils sont pris parmi les anciens condamnés à vie et à long terme, dont la conduite est irréprochable. Il y en a bien quelques-uns qui ont reçu quelques punitions mais on a passé dessus en raison de leur résignation et du peu de gravité de leur faute ; ils jouissent de beaucoup de faveurs, ils sont couchés sur de petits matelas d’étoupe. Ils ont la soupe à la viande tous les huit jours. La plus grande faveur surtout est d’être porté sur le tableau des grâces, chacun à son tour, ce qui fait qu’au bout de trois ans au plus qu’ils sont dans cette salle, ils peuvent espérer une commutation ou une grâce. Du reste, ils vont aux travaux comme les autres, peuvent être de préférence envoyés, servants aux hôpitaux et employés dans l’intérieur du bagne.

Les deuxièmes sont les employés de l’intérieur qui occupent les postes ci-après :

Paillots et écrivains : chargés des mouvements de la salle

Allumeurs

Couples de vivres, ou donneurs de Pain et de Vin

Fourgonniers, ceux qui font la soupe des condamnés

Sbires, chargés de ferrer et déferrer

Balayeurs, chargés de la propreté des salles et de la cour

Couples de baquets ou vidangeurs

Tailleurs

Cordonniers

Forgerons du bagne

Menuisiers du bagne

Servants de l’Aumônier

Servants des Médecins

Servants des Adjudants

Barberots ou Perruquiers chargés de raser et couper les cheveux aux condamnés

Jardiniers du bagne

Flagelleur ou Boureau

Les servants des hôpitaux sont également compris dans ce nombre et jouissent de bien des douceurs que les autres ne peuvent avoir, en raison de la disposition des lieux et des postes.

Les troisièmes sont ceux qui sans occuper des postes sont exempts de travaux. Ce nombre est très petit attendu qu’au bagne il y a très peu d’hommes de fortune et de talents, bien moins encore qui soient recommandables pour leur position dans le monde. Il y a bien quelques avocats, prêtres ou militaires gradés, mais le nombre est très minime ; quant aux artistes on en voit très peu, et encore sont-ils médiocres. Il y a quelques hommes adroits, un ou deux bons élèves de Grands-Maîtres tel qu’un nommé Coulet qui a reçu des leçons de M. Ingres, et qui a la suite des recommandations du dehors reste à l’hôpital pour y travailler.

La réforme de 1830 grignote peu à peu la vieille familiarité entre les forçats et leurs gardiens. La « militarisation » du corps des surveillants exerce aussi son influence sur l’étouffement des révoltes. Régulièrement entraînés au maniement d’arme et recrutés, plus souvent que par le passé, parmi d’anciens soldats, les gardes n’hésitent pas à tirer sur les condamnés rebelles. Les soulèvements collectifs, très peu nombreux, se terminent presque toujours par une répression sanglante. En août 1824, une révolte survient à Toulon, sur le chantier de la fosse aux mâts du Mourillon où le travail est plus que pénible en plein été, une « grande fatigue » à laquelle on employait surtout des condamnés à perpétuité. Une véritable bataille rangée oppose les gardes à plusieurs dizaines de « bonnets verts » : des fusils et des pistolets d’un côté, des pierres et des déchets de métal taillés en lame de couteau dans l’autre camp. Cette révolte se solde par 15 tués et 47 blessés chez les forçats, tandis que les surveillants demeurent indemnes. Les violences ne dressent qu’exceptionnellement les condamnés contre leurs gardes-chiourmes. Elles concernent surtout les règlements de compte entre les forçats, et c’est lorsque les gardes interviennent ou s’interposent pour rétablir l’ordre que ceux-ci risquent d’être pris à partie.

A partir des années 1820, le commissaire devient le véritable patron du bagne maritime. Il n’existe pas cependant de grade de directeur. Les responsables des bagnes sont toujours choisis parmi les commissaires de la Marine comptant au moins quatre années d’ancienneté. Une fois nommés, ceux-ci restent parfois à la tête du « service des chiourmes » jusqu’à leur retraite, mais beaucoup poursuivent ensuite leur carrière dans différents ports et directions. « Si la plupart regardent leur poste comme une corvée indispensable à leur promotion, quelques-uns, tels Auguste Reynaud à Toulon sous la Restauration ou Vénuste-Gleizes à Brest durant la Monarchie de Juillet se passionnent pour la question pénale, s’informent, comparent, expérimentent et publient des articles sur le sujet…Toutefois, à partir des années 1820, quelque soit leur stratégie de carrière, les commissaires des bagnes sont nécessairement conduits à contrôler plus étroitement la vie de leur établissement, travail et discipline. Ils ne peuvent plus se reposer sur les comites et se contenter, comme autrefois, d’ordonner les dépenses et de brasser la paperasserie relative aux condamnés…Monsieur le commissaire doit sortir de son bureau.[4] »

Petit lexique

 Argousin

Ce mot apparaît en français en 1538. Il vient du portugais Algoz, de l’arabe Alghozz (influence d’Alguazil). Certains lui donnent une origine italienne : aguzzino. A l’origine, c’est un sous-officier dans les galères.

Chargés de surveiller les galériens, les argousins étaient réputés pour leur dureté, d’où l’utilisation d’un mot (d’usage maritime) signifiant bourreau.

En français moderne, il désigne par dénigrement, un policier et il est associé au langage des mauvais garçons. « J’ai toujours dédaigné de battre un argousin ». Victor Hugo.

Comite ou Côme

Agent chargé de la police des salles dans les bagnes maritimes.

Garde-chiourme

Agent de surveillance. Les gardes-chiourme sont dirigés par un commissaire, haut fonctionnaire de la marine responsable de la police intérieure du bagne.

Pertuisanier

Agent du bagne escortant les forçats sur leur lieu de travail.

                                                                                                              

Reproduction d’aquarelles  du forçat Clémens

Aquarelle n° 1 : Sous adjudant en tenue journalière (chef de salle) .

Aquarelle n° 2 : Premier sergent de grille. Surveillant de la compagnie des agents de surveillance .

Aquarelle n° 3 : Garde-chiourme armé .

Aquarelle n° 4 : Officier de galère

 


 

[1] Extrait de la Légende noire du Bagne, le Journal du Forçat Clémens, présenté par Michel PIERRE, Découverte Gallimard, pp. 56-58.

[2] J.G. PETIT, N. CASTAN, C.FAUGERON, M. PIERRE, A. ZYSBERG, Histoire des Galères, Bagnes et Prisons, XIIIe-XXe siècles, Bibliothèque historique Privat, Toulouse, 1991, page 202.

[3] Le manuscrit du forçat Clémens comporte 221 pages en lignes serrées et 46 aquarelles.

[4] Op. cit, J-G. PETIT, N. CASTAN, C. FAUGERON, M. PIERRE, A. ZYSBERG, p. 202.

 

 

 

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Discipline et prétoire dans les prisons françaises et les établissements pour mineurs(2)

Posté par philippepoisson le 28 octobre 2008

Quelques mots sur la discipline et les punitions infligées

aux jeunes détenus  

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Rappelons que les colonies pénitentiaires, qui pouvaient être publiques ou privées, recevaient les jeunes détenus acquittés en vertu de l’article 66 du Code Pénal, comme ayant  agi sans discernement (mais non remis à leurs parents) et les condamnés à des peines de plus de six mois mais inférieures à deux ans. Quant aux colonies correctionnelles, elles accueillent les condamnés à des peines de plus de deux ans, ainsi que les jeunes détenus des colonies pénitentiaires déclarés insubordonnés.

Pendant longtemps, l’Administration Pénitentiaire avait laissé une entière latitude aux établissements privés en ce qui concerne l’organisation de la discipline et de l’alimentation des jeunes détenus.

Seules certaines directives leur étaient données. C’est ainsi  que les établissements devaient tous fournir aux détenus une nourriture saine et suffisante. Aucun mode uniforme de discipline ne leur était imposé. Selon l’Administration Pénitentiaire, « un système d’éducation, si bien conçu qu’il paraisse, n’a de valeur qu’autant qu’il s’adapte parfaitement aux idées de celui qui est chargé de le mettre en pratique. A un directeur, qui sait prendre de l’emprise sur les enfants qu’il a mission d’élever, des moyens très simples, une admonestation, une réprimande, etc…suffisent pour rappeler les délinquants au sentiment de leur devoir. Il obtient ce résultat, là où d’autres échoueraient par l’emploi des punitions les plus sévères. L’éducation est une affaire de tact et de discernement, il ne faut donc pas obliger un chef d’établissement à punir une infraction par tel ou tel châtiment qui semble proportionné à la gravité de la faute, lorsqu’une répression plus efficace, peut-être, sera obtenue par un pardon accordé à propos ou par toute autre influence morale ». (Circulaire du 31 mars 1864, Code des Prisons, tome IV, p. 159.) 

C’est donc fort logiquement que les châtiments corporels se sont vus condamnés à cette époque.

Pourtant, la découverte d’abus, essentiellement l’usage de punitions d’une rigueur excessive, amena l’administration à prévoir un règlement d’ensemble des colonies pénitentiaires.(Règlement du 10 avril 1869).

Le régime disciplinaire des jeunes détenus – plus encore que le régime des adultes – allait combiner les punitions dont on voulait qu’elles soient justes et appropriées, et les récompenses. Le but de l’action étant de ramener les enfants au bien et de leur permettre quand ils seront parvenus à l’âge d’homme de pourvoir honorablement  à leurs besoins.

Pour les jeunes acquittés ayant agi sans discernement et n’ayant pas été remis à leur famille, l’Administration Pénitentiaire est chargée de les détenir mais (et ceci est clairement exprimé dans une circulaire du 5 juillet 1853) cette détention n’a d’autre but que d’assurer leur éducation.

Aussi l’Administration décide-t-elle seule, si l’enfant est ou non suffisamment réformé pour être remis à sa famille.

Une fois libéré, il peut réintégrer l’établissement pénitentiaire s’il ne justifie pas la bonne opinion qu’on avait conçue de son amélioration morale.

Les enfants condamnés ont une situation différente puisqu’ils sont détenus au titre d’une peine résultant de la condamnation. Leur détention peut-être abrégée par l’effet d’une commutation, ou cesser par l’effet d’une grâce. Cependant, ces enfants peuvent également faire l’objet d’un placement à l’extérieur de l’établissement ou être remis à leur famille à condition qu’ils aient exécutés les 2/3 de leur peine.

Malgré la rédaction du règlement de 1869, les principes généraux qui y sont contenus, resteront longtemps d’application difficile dans certains établissements. C’est pourquoi de nombreuses circulaires rappelleront à l’ensemble des directeurs de colonie la nécessité de respecter les prescriptions réglementaires.

Si l’on examine les infractions commises par les jeunes détenus au cours de leur détention, on constate que beaucoup d’entre elles sont à relier à l’éducation morale, religieuse et scolaire qu’on leur dispense. Ainsi la paresse, la négligence, les actes d’insubordination sont-ils réprimés en tant que tels. Bien plus, une mauvaise conduite et le relâchement dans le travail  peuvent entraîner après la libération, un placement dans un orphelinat, asile ou refuge pendant un temps déterminé  (placement qui doit cesser dès qu’est atteint l’âge de la majorité).

On retrouve dans les établissements pour jeunes les infractions traditionnelles. A titre d’exemples, citons les vols, voies de fait et actes d’immoralité. Disons aussi, que comme pour les prisons départementales, beaucoup d’infractions disciplinaires nous sont inconnues (elles figurent dans une imposante rubrique « divers ».) 

Concernant les punitions pouvant être prononcées à l’encontre de jeunes détenus, il convient de se reporter aux articles 96 et suivants du texte de 1869 qui en donnent pour la première fois une liste complète.

Les punitions autorisées sont les suivantes : la privation de récréation, de correspondance et de visites ; le piquet, la mise à genoux, les travaux de propreté générale, le port d’un vêtement disciplinaire, la perte des grades, des galons, des emplois de confiance ; les mauvais points, la réprimande en particulier ou en public, l’isolement pendant les repas, la radiation du tableau d’honneur, la cellule de punition.

Le règlement du 15 juillet 1899 qui remplacera pour partie celui de 1869 (et seulement pour les garçons) atténuera, certaines de ces punitions en prévoyant notamment que la privation de visite ne serait prononcée que dans des cas très exceptionnels, en précisant par ailleurs que le piquet ne serait imposé que pendant la récréation. En revanche, ce même règlement supprime quelques punitions telles que la privation de correspondance ou la privation de la pitance et en ajoutera d’autres comme la marche en rang pendant la récréation, les corvées, le lit de camp, le pain sec[3], le pain sec de rigueur[4] et le peloton de discipline.

(Pain sec : les enfants reçoivent la soupe le matin, le pain sec à midi, la pitance le soir. - Pain sec de rigueur : les enfants reçoivent la soupe le matin, le pain sec à midi et la soupe le soir ; ou la soupe le matin, le pain sec à midi et le soir.) 

Les textes de 1869 et 1899 prévoient encore qu’aucune retenue pécuniaire ne pourra être faite sur le salaire du jeune (sauf pour la réparation du dommage matériel qu’il aurait causé).

Quant à la mise en cellule de punition, elle ne devra être prononcée que pour les fautes les plus graves, lorsque sa durée devra dépasser 15 jours (avec une limitation à 3 mois jusqu’en 1869), les motifs de la punition seront communiqués au préfet et, à partir de 1899, s’agissant des jeunes garçons, l’approbation du Ministre sera nécessaire. Le prononcé de cette punition sera toujours lié à la constatation par l’Administration Centrale de la salubrité des lieux affectés à son exclusion.

Au titre des autres sanctions, il faut mentionner l’envoi des détenus jugés incorrigibles dans une colonie correctionnelle pour y être soumis à un régime répressif ( avec l’accord cependant du Ministre sur l’avis du Conseil de Surveillance et du Préfet), le placement des jeunes se conduisant ou travaillant mal à l’approche de leur libération – lorsqu’ils seront libérés effectivement – « dans un orphelinat, asile, refuge ou tout autre établissement qu’une maison de correction, pendant un temps dont le Ministre déterminera la durée, sans excéder toutefois leur majorité ». (Circulaire du 10 avril 1869, Code des Prisons, tome V, p. 487 et suivantes, et circulaire du 15 juillet 1899, Code des prisons, tome XV, p. 391).

Dans les établissements pour jeunes détenus le peloton de discipline équivaut à la salle de discipline des prisons pour adultes.

Les enfants mis au peloton de discipline sont placés, le soir, en dortoir spécial, le jour ils sont occupés aux corvées de l’établissement et ne sont pas mêlés aux autres pupilles. Ils prennent leur repas dans une salle spéciale.

Suivant la gravité des fautes, le peloton de discipline peut être prononcé avec vivres complets, pain sec ou pain sec de rigueur, ave couchage ordinaire ou lit de camp.(Circulaire du 10 avril 1869, Code des Prisons, tome V, p. 487 et suivantes, et circulaire du 15 juillet 1899, Code des prisons, tome XV, p. 391).

D’une manière générale, la mise à l’isolement d’un jeune détenu est entourée des plus grandes précautions. Le texte de 1899 renforce encore celui de 1869 à cet égard. (Le règlement de 1869 disposait que les jeunes détenus mis à l’isolement seront l’objet d’une surveillance continuelle, qu’ils seront fréquemment visités par le chef d’établissement et l’aumônier, et examinés par le médecin lors de ses visites, et qu’un surveillant devra, en outre, coucher dans le quartier des cellules).

Les textes de 1869 et 1899 prévoient également pour les jeunes détenus, la tenue d’un registre des punitions et l’inscription des sanctions sur un bulletin spécial de statistique morale classé au dossier de chaque enfant …

Sources 

M. BUTET, Fontevrault, Prison d’hier, Mémoire 17e promotion d’éducateurs, 1983. E.N.A.P. Fleury-Mérogis. 

G. BONNERON, Les Prisons de Paris, Maison Didot, Paris, 1897.

Jean FAYARD, « Une enfance en enfer », éditions Le Cherche Midi (2003).

Michel FIZE, « La répression disciplinaire dans les prisons françaises métropolitaines au XIXe siècle », Centre National D’Etudes et de Recherches Pénitentiaires, Ministère de la Justice, Collection Archives pénitentiaires, novembre 1982.

Marie ROUANET, « Les enfants du bagne », éditions Pocket (2001). Elle retrace cent ans d’histoire de la délinquance juvénile, à travers la vie dans les pénitenciers pour enfants qu’on appela les « petits bagnes ».

Site de la Protection Judiciaire et de la Jeunesse. Ministère de la Justice.

M. UHLYARIK, Rapport in Vème congrès pénitentiaire international, Paris, 1895, p.359.

Photographies 

Henri MANUEL, Photographies de prisons, 1928-1932, Ministère de la Justice, Direction de l’Administration Pénitentiaire, mai 2000.

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Le Grand et le petit Châtelet

Posté par philippepoisson le 28 octobre 2008

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Selon BUDE on ne devrait pas dire le Châtelet, mais le Carceret, comme venant du mot latin carcer (prison), selon les vers d’un poète du temps :

Castellum hoc dixere patres nisi dicere mavis Carcellum, modici quod signat carceris antrum Cependant c’est bien le Châtelet, l’ancien château fortifié de la cité et plus tard son centre judiciaire, qui donne son nom à la prison. En 1398, le roi CHARLES VI ordonne que les petites prisons du petit Châtelet, à l’extrémité méridionale du petit pont serviront de supplément à celles du Grand Châtelet.Elles sont aussi malsaines les unes que les autres. Les historiens sont unanimes sur l’horreur de leurs cachots.

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Discipline et prétoire dans les prisons françaises et les établissements pour mineurs(1)

Posté par philippepoisson le 27 octobre 2008

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Avant 1830, les inspecteurs généraux des prisons, mettent en évidence le fait que les infractions à la discipline étaient souvent punies de façon excessive, parfois par de simples gardiens. 

 

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Le Prétoire  

Dans les maisons centrales, l’instauration du prétoire, le 8 juin 1842, cherche à restreindre l’arbitraire. Ce tribunal solennel quotidien est présidé par le directeur en présence de son adjoint (l’inspecteur), du greffier et de l’aumônier, le gardien-chef jouant le rôle du procureur. Le prisonnier peut faire entendre sa défense, mais il n’y a ni témoin ni débat contradictoire.

A l’origine, son fonctionnement formaliste et solennel à l’excès a pour finalité de protéger le détenu contre toute mesure arbitraire sans pour autant entamer la rigueur et la répression « C’est donc avec une sorte d’attention religieuse que les directeurs doivent veiller à ce que les détenus ne soient jamais l’objet d’aucune vexation de la part de qui que ce soit, à ce que jamais, s’il se peut, il ne leur soit infligé une punition imméritée ou excessive. Il faut les habituer à ne plus douter tant de la justice de l’administration que de sa fermeté. Son autorité et son influence s’affaiblissent au même degré par l’injustice et la faiblesse, et souvent l’une procède de l’autre ». (Voir note de bas de page)

L’instruction insufflait une procédure formaliste qui insistait tout particulièrement sur la solennité de l’audience. Le passage devant le prétoire, la configuration du local furent régis minutieusement. Les places que devaient occuper les assesseurs et le directeur étaient précitées. Ainsi, le bureau recouvert d’un tapis de serge verte devait être assez grand pour que le directeur et ses assistants s’y placent commodément. Une barre à hauteur d’appui séparera le bureau de l’auditoire.

Les punitions disciplinaires  

Les punitions disciplinaires officielles sont sévères pour des organismes souvent délabrés par l’excès de travail et les carences de la ration alimentaire. Elles comportent aussi une part d’arbitraire puisqu’elles sanctionnent surtout une infraction inévitable : parler. (Infraction à la règle du silence instaurée en 1839) .

Quant à l’exécution de la sanction disciplinaire, principalement pour ceux que les gardiens considèrent comme des fortes têtes, elle dépasse souvent toute mesure malgré les nombreux rappels à l’ordre de l’Administration, et il peut arriver qu’elle ne soit même parfois que l’expression de la violence sadique…

Les maisons centrales du Mont-Saint-Michel, de Nîmes, de Fontevraud et la plupart des autres grands établissements pour hommes sont connus pour prodiguer des peines extra-légales comme le cachot glacé, le piton (le détenu est ligoté très serré contre le mur, dans la position d’un crucifié) et autres cruautés. En 1839, les instruments de punition corporelle comme le piton, la cangue ou les menottes derrière le dos sont officiellement supprimés.

Le piton attache les mains dans le dos du prisonnier sur une planche fixée à la muraille. La cangue est une sorte de carcan que le prisonnier porte sur les épaules et qui emprisonne les mains et le cou.

 La mise aux fers subsiste pour le détenu qui aura usé de menaces, d’injures ou de violence à l’égard d’un personnel ou d’un co-détenu. L’anneau, la camisole de force, la sellette, la bricole perdurent pour les détenus et les bagnards car moins « sévères » que l’application des fers, et seront définitivement supprimés… en 1958 ! D’une manière générale, les châtiments corporels seront progressivement remplacés par des peines d’isolement (punition de cellule, cachot, salle de discipline, etc).

En 1872, devant la commission parlementaire, le directeur de l’Administration pénitentiaire, JAILLANT, reconnaît que les punitions sont encore excessives. Menottes, fers, camisoles de force restent trop fréquemment employés et de façon inhumaine…

Sources consultées

M. BUTET, Fontevrault, Prison d’hier, Mémoire 17e promotion d’éducateurs, 1983. E.N.A.P. Fleury-Mérogis.

G. BONNERON, Les Prisons de Paris, Maison Didot, Paris, 1897.

Jean FAYARD, « Une enfance en enfer », éditions Le Cherche Midi (2003).

Michel FIZE, « La répression disciplinaire dans les prisons françaises métropolitaines au XIXe siècle », Centre National D’Etudes et de Recherches Pénitentiaires, Ministère de la Justice, Collection Archives pénitentiaires, novembre 1982.

Marie ROUANET, « Les enfants du bagne », éditions Pocket (2001). Elle retrace cent ans d’histoire de la délinquance juvénile, à travers la vie dans les pénitenciers pour enfants qu’on appela les « petits bagnes ».

Site de la Protection Judiciaire et de la Jeunesse. Ministère de la Justice.

M. UHLYARIK, Rapport in Vème congrès pénitentiaire international, Paris, 1895, p.359.

Photographies 

Henri MANUEL, Photographies de prisons, 1928-1932, Ministère de la Justice, Direction de l’Administration Pénitentiaire, mai 2000.

 Instruction du 8 juin 1842. Certains praticiens abondaient dans le sens d’une punition juste mais ferme si nécessaire. « Une condition indispensable des punitions… est d’apporter à la rigueur de la correction le tempérament qui commande la raison. L’indulgence intermittente, capricieuse est aussi nuisible qu’une rigueur exagérée et engendre chez le détenu l’aigreur et l’impassibilité », M. UHLYARIK, Rapport in Vème congrès pénitentiaire international, Paris, 1895, p.359. 

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Du Fort du Hâ de Bordeaux à l’Ecole Nationale de la Magistrature

Posté par philippepoisson le 27 octobre 2008

Du Fort du Hâ de Bordeaux à l'Ecole Nationale de la Magistrature dans Prisons de l'Ancien Régime pdf dufortduhdebordeaux.pdf 

Le 17 juillet 1453, la bataille de Castillon met fin à la guerre de Cent Ans. Bordeaux tombe sous la coupe du roi de France. Charles VII ordonne alors la construction du château Trompette et du fort du Hâ « pour tenir les Bordelais le fer au dos ».

L’origine du mot « Hâ » paraît difficile à résoudre. Maurice FERRUS nous en donne les explications suivantes : « D’après Bernadau, l’ancien fort a emprunté le nom de la porte du Far ou du Hâ, qui s’élevait à l’extrémité occidentale de la rue du Hâ, et qu’on avait ainsi désignée en raison semble-t-il d’un fanal qui y était placé pour éclairer les routes ouvertes au milieu des marécages de ce quartier. Ces routes étaient suivies par les nombreux maraîchers de la banlieue qui se rendaient avant l’aube en ville où ils apportaient légumes, fruits et divers autres produits[1] ».

Le château du Hâ est d’abord un splendide palais ducal avec la brillante cour de Charles de VALOIS, duc de Guyenne. Au fil des ans, il devient une forteresse où sont « embastillés » les révoltés contre le pouvoir central…

Echappant à la démolition sous Henri IV, le château garde son rôle de prison, avec des hôtes « célèbres » pendant la Fronde et les guerres de Religion.

Avec l’avènement de la Révolution, la municipalité bordelaise transforme le château en fort et en maison de détention dès 1790.

En 1791, le directoire du département met la question des prisons au premier plan de ses préoccupations. Aucun bâtiment n’offre à Bordeaux une situation plus convenable que le fort du Hâ. Une loi du 10 juillet 1791 décide la suppression du château Trompette et des forts du Hâ et Louis. Le Directoire devra s’occuper de la vente des deux forts, néanmoins le fort du Hâ reste à la disposition du département si celui-ci doit y établir les prisons.

La Terreur s’installe à Bordeaux en octobre 1793. Les prisons se remplissent, et le vieux bâtiment du Hà revient sur la scène historique en devenant officiellement une prison d’Etat. Dès lors ses vieilles tours sont remplies de détenus politiques et autres pensionnaires. On arrête, on emprisonne en moins d’une heure parfois. Les prisonniers se transforment en condamnés qui ne quittent plus leurs froides cellules que pour marcher à l’échafaud.

Des personnalités hors du commun se trouvent détenues dans les geôles du fort notamment Thérésia CABARRUS qui était alors dans tout l’épanouissement de sa jeunesse et de sa beauté. L’histoire retiendra que le conventionnel TALLIEN,  succombât  à son charme … et qu’elle obtînt des adoucissements apportés à la situation des prisonniers, comme la possibilité d’aller se promener l’après midi sur la terrasse du donjon…

Le fort du Hâ reste une prison à la fin de la Révolution. Mais les tensions politiques permettent au fort du Hâ de rester  animé. En 1804, plusieurs conspirateurs royalistes y sont incarcérés.

Un décret impérial du 11 mars 1811 rend au département  le fort du Hâ, qui cesse d’être une prison d’Etat.

Le fort du Hâ est aménagé en prison pour les criminels et les repris de justice. En 1812, du fait de l’insalubrité des lieux, GRASSI, médecin des épidémies, préconise par mesure de sécurité sanitaire, l’adoption d’un système de tout-à-l’égout au fort du Hâ.

COMBES,  ingénieur des bâtiments civils propose un projet de construction d’un canal permettant d’évacuer les matières des fosses d’aisances dans le ruisseau le Peuge qui, jugé trop coûteux, n’aboutit pas.

Malgré les réparations exécutées sous la seconde Restauration, le fort du Hâ reste dans un état lamentable. A l’image de ses portes, la vieille forteresse offre au début du règne de Louis-Philippe, un aspect sombre et désolant.

En 1831, un projet qui rassemble tribunal criminel et prison sur un terrain libéré par la démolition partielle du fort du Hâ, est mis à l’étude. Toutefois, il faut attendre 1832 pour que le conseil général pose de nouveau la question de l’installation dans le même bâtiment de la cour royale et du tribunal.

Afin de libérer un vaste terrain, la démolition du fort, commence en 1835.

Avec les travaux du fort du Hâ, l’architecture s’inscrit dans un mouvement de réforme engagée par l’administration pénitentiaire dès 1820.

Dans son dernier projet, l’architecte THIAC applique rigoureusement les principes cellulaires préconisés par la circulaire ministérielle 2 octobre 1836.

La prison des hommes compte ainsi 150 cellules et 17 dortoirs qui peuvent recevoir au total  deux cent trente détenus. Avant 1914, la prison départementale du Hâ compte au maximum 200 prisonniers. A la fin du conflit, la criminalité se développe dans des proportions considérables et en 1920, on dénombre 650 détenus répartis comme suit : 560 hommes et 90 femmes.

Le nouveau quartier des femmes fait face au cours d’Albret et présente trois bâtiments parallèles à celui réservé à l’administration. Ces bâtiments, à trois étages, sont séparés par des préaux ou des jardins qui comportent des installations distinctes, pour les prévenues et pour les accusées, et qui peuvent loger soixante-dix femmes. La chapelle Marie-Joseph  construite en 1856, de style gothique et dotée d’une nef, peut contenir 300 détenus.  Pourvue d’une tribune à persienne, elle offre à ces dames l’avantage d’assister aux offices… sans être vues des regards concupiscents des pensionnaires de l’autre sexe. Soeur Mélanie, supérieure des sœurs de Saint-Joseph, plus communément désignée comme « la mère Mélanie » assure sa charge avec grand dévouement pendant près d’un demi-siècle. Vers 1907, les sœurs sont remplacées par des surveillantes civiles.

Entre 1940 et 1945, la prison du Hâ est toujours utilisée pour les prisonniers de droit commun mais elle sert désormais pour les Allemands, de centre de détention où vont se succéder de nombreux résistants et toutes les personnes arrêtées pour délits politiques. Elle est rebaptisée pour la circonstance « quartier allemand ».

Edouard DALADIER et Georges MANDEL comptent parmi les premiers détenus politiques gardés un temps au fort du Hâ. Après eux une longue liste d’hommes, de femmes et d’enfants va s’ajouter jour après jour sur les registres du fort du Hâ.

A la fin 1944, près de 5.000 internements administratifs sont recensés, mais rares sont les exécutions sommaires.

La paix retrouvée, le fort du Hâ n’en poursuit pas moins sa vocation d’activité carcérale. En juillet 1953, Marie BESNARD est transférée de Poitiers à la prison du Hâ à l’occasion de son second procès. Celle que l’on surnomme la « bonne dame » mais aussi « l’empoisonneuse de Loudun » est acquittée par la cour d’assises de Bordeaux, où son troisième procès a débuté le 20 novembre 1961.

 Le dernier condamné à mort  est exécuté dans la cour du fort du Hâ le 21 juin 1960 à 4 heures 42. Il s’agissait du parricide René PONS.

En juin 1967, le vieux fort du Hâ se vide de ses pensionnaires. Les prisonniers sont transférés à Gradignan, ville située alors au beau milieu d’une campagne verdoyante. Parvenus à destination, ils font connaissance de leur nouveau lieu d’hébergement sans commune mesure avec le fort du Hâ

Sur l’emplacement de ce dernier, la Chancellerie souhaite construire le nouveau Centre National d’Etudes Judiciaires rebaptisé Ecole Nationale de la Magistrature en 1970. Ainsi, les Bordelais souhaitent la récupération de cet espace, couvert par les vestiges du vieux fort du Hâ, depuis trop longtemps transformé en triste prison départementale.

L’Ecole Nationale de la Magistrature sort de terre sur l’emplacement du fort du Hâ, rasé (sauf deux tours : la tour des Anglais en fer à cheval et la tour ronde  dite tour des Minimes). Dès 1969 s’engage un vaste chantier qui couvre 3. 500 mètres carrés…

L’Ecole Nationale de la Magistrature est inaugurée le 12 décembre 1972 par le Garde des Sceaux René PLEVEN.

De ce chef-d’œuvre de l’art civil et militaire de Gironde, il ne reste que deux tours classées à l’Inventaire historique. Une stèle de granit a été élevée, au pied de la tour ronde, à la mémoire des déportés, internés et résistants pour la France dans l’univers concentrationnaire nazi de 1940 à 1945…

Pour la réalisation de cette fiche pédagogique, les documents consultés :

- BORDES M.R., La vie au fort du Hâ sous l’Occupation, Editions Bière, 1945.

- DEOGRACIAS Jean-Jacques, Le Fort du Hâ de Bordeaux, Editions les éditions d’Aquitaine,  mars 2006.

- FERRUS Maurice, Un château historique : le fort du Hâ, éditions Feret et fils, 1922.

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