« Si l’Occupation n’était pas venue, Prison je ne t’aurais pas connue » (Louis Perrot, Dijon, 4-6 juin 1944)
Posté par philippepoisson le 2 novembre 2008
» Maison d’arrêt de Dijon, section allemande, printemps 1944.
Louis Perrot, dit Loulou, FTPF, compagnie Lucien Dupont, matricule 530.
Rien ne prédestinait Louis Perrot à se retrouver enfermé dans une « prison allemande ». Né le 13 janvier 1923, à Gevrey-Chambertin, Loulou – comme chacun l’appelle affectueusement – fréquente l’école communale avant de s’en aller préparer, en trois ans, un brevet d’enseignement industriel à l’Ecole pratique d’industrie de garçons, boulevard Voltaire à Dijon[1]. Sa réputation est celle d’un bon élève. Le BEI en poche – en juillet 1939 -, Louis se fait embaucher comme dessinateur dans une entreprise dijonnaise d’électricité. Mais il n’y reste pas longtemps, car son père tombe gravement malade et Louis doit revenir au pays pour prendre en main l’entreprise familiale de plâtrerie-peinture. Aimant la vie, Loulou prend plaisir à jouer au football avec ses copains d’enfance inscrits, comme lui, à l’Avenir sportif de Gevrey-Chambertin.
Entre-temps, la guerre éclate, puis l’Occupation s’abat sur la France. Louis rejoint alors la Résistance. Tôt et activement, à Dijon, à Gevrey-Chambertin et dans les environs. En 1941, il distribue des tracts à la gloire de l’Armée rouge[2] avec René Romenteau, Pierre Vieillard, Léon Soye, Lucien Dupont et d’autres encore. Et ce n’est pas le fait d’apprendre que les trois premiers de ces jeunes hommes – probablement membres des Bataillons de la jeunesse[3] – ont été fusillés par l’occupant comme otages en mars et août 1942 à Dijon[4], ni même que Lucien Dupont, devenu responsable FTP, a été arrêté à Paris en octobre 1942 pour être fusillé au Mont Valérien le 26 février 1943, qui va ralentir son ardeur puisque, à la mi-juillet 1943, Louis Perrot fait partie de la petite équipe qui réceptionne, en pleine nuit, sous la direction d’Alix Lhote, à Saint-Philibert, le premier parachutage clandestin d’armes et de matériel organisé au profit de la Résistance côte-d’orienne par le BOA, autrement dit le Bureau des opérations aériennes, un service Action des Forces françaises combattantes créé quelques mois plus tôt par Jean Moulin et son équipe, et relevant du BCRA de Londres et de l’autorité du général de Gaulle[5]. Quant à son activité au cours de l’hiver 43/44, elle est celle d’un franc-tireur, membre de la compagnie FTP qui a relevé le nom de Lucien Dupont.
On s’en doute : Loulou a œuvré tant et si bien contre l’occupant et ses auxiliaires locaux qu’il a fini par être soupçonné de « faire partie d’une organisation terroriste » – pour reprendre les termes alors employés par les autorités allemandes et françaises pour qualifier les activités résistantes -, ce qui lui vaut d’être arrêté, le 9 mars 1944, au domicile familial, par quatre militaires de la Sicherheitspolizei[6], accompagnés de deux gendarmes[7]. Pour Louis Perrot, commence alors une éprouvante série d’interrogatoires, de sévices et de confrontations, au rythme décidé par la Gestapo[8]. Pour autant, il ne va pas sombrer et il continue de se battre.
Au secret pendant presque quatre mois dans « la prison allemande de la rue d’Auxonne » – c’est ainsi que l’on appelle la section créée, par les autorités d’occupation, à l’intérieur même de la maison d’arrêt de Dijon [9] -, Louis cherche à écrire, parvient à écrire. Il le fait pour exprimer ses sentiments, rassurer ses proches, renseigner ses camarades, mais aussi pour venir en aide à quelques co-détenus. Progressivement, il assimile les ruses et noue les complicités indispensables pour faire sortir ses lettres de la prison … »
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Michel Blondan
Docteur en droit, spécialité histoire du droit et des institutions
[1]. Aujourd’hui Lycée Hippolyte-Fontaine.
[2]. In archives familiales : un tract ronéoté que l’on peut dater de septembre 1941 : « Vive / l’Armée Rouge / La Jeunesse Soviétique incorporée / dans les rangs de l’Armée Rouge / brise depuis 10 semaines les assauts / des hordes hitlériennes. Jeune ! / de sa lutte dépend ton sort. Aide les frè/res soviétiques. Sabote ! / Ne laisse rien à l’ennemi ! ».
[3]. Sur les Bataillons de la jeunesse, lire notamment Berlière, Jean-Marc, Liaigre, Franck, Le sang des communistes : Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, Automne 1941, Paris, Fayard, 20O4, 415 p.
[4]. Pierre Vieillard et René Romenteau constituent, avec René Laforge et Jean Schellnenberger, le groupe des quatre élèves de l’Ecole normale d’instituteurs auxquels la mémoire collective dijonnaise et côte-d’orienne rend périodiquement hommage. Ils ont été fusillés en représailles d’attentats qu’ils n’avaient pas commis, à Dijon le 7 mars 1942 avec leur camarade Robert Creux, jeune ébéniste. Lire, notamment : Amicale des anciens élèves de l’Ecole normale et SNI, Les quatre Normaliens de Dijon, Dijon, CRDP, 1983 (1ère éd. 1968). Les auteurs s’intéressent aux conditions de vie infligées aux résistants et autres internés de la prison de Dijon durant cette époque.
[5]. Pichard, Michel, L’espoir des ténèbres : parachutages sous l’occupation (Histoire du BOA), Paris-Vesoul, ERTI, 1990, 360 p., ill., préf. de François Bédarida.
[6]. Service historique de la Défense, Gendarmerie (SHD-G), 21E 14, fiche de renseignements le concernant, n° 117/4, du 9.3.44. Cette fiche ne mentionne pas la présence de gendarmes français lors de l’arrestation de Louis Perrot.
[7]. Mme Denise Perrot-Mortet précise que « deux gendarmes français » ont participé activement à la recherche de son frère Louis aux côtés des « militaires allemands en uniforme » (témoignage, 2004).
[8]. A Dijon comme ailleurs en France, le Sipo-SD est couramment appelé « la Gestapo ».
[9]. Ancienne prison départementale, la maison d’arrêt de Dijon a été cédée à l’Etat après la Libération. Elle a pour adresse : 72 rue d’Auxonne, ce qui a donné naissance à quelques expressions bien dijonnaises. Si l’on excepte la période de l’Occupation, une pointe d’ironie s’est, en tout temps, dissimulée derrière l’emploi de certaines formules : « le tribunal l’a envoyé rue d’Auxonne » ou « il sort de la rue d’Auxonne ». Mais il ne faut pas exclure, en certaines circonstances, l’expression d’une gène ou une marque de pudeur.
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